On a beaucoup critiqué la ministre Frédérique Vidal pour avoir évoqué une soit-disante gangrène de l'islamo-gauchisme à l'université le 14 février. les représentants des universités et le CNRS ont réagi en soulignant le côté non scientifique de ce terme et l'immixtion du politique dans le monde des sciences sociales. Mais ce terme est surtout politique et pour le politologue François Burgat il est agité par une minorité de personnes qui essayent de vider leur querelles en recourant au pouvoir alors que l'université a toujours été traversée par des controverses et qu'elle est faite pour les assumer. Reste que le terme est souvent utilisé pour accuser certains "gauchistes" d'avoir des complaisances avec la mouvance islamiste réduite à une sorte de "fascisme vert". François Burgat lui-même pionnier des études sur l'islamisme contemporain, parfois accusé d'être trop compréhensif à son égard, remet les choses en perspectives à son niveau: l'islamisme est essentiellement un retour de flammes de nouvelles générations musulmanes contre la domination occidentale. Sa particularité est moins d'être religieuse que politique, identitaire et "endogène". Ce que l'on a souvent du mal à comprendre à cause de notre rapport différent à la religion qui nous pousse à focaliser sur celle-ci. Et à ses yeux la notion d'islamo-gauchisme n'est pas dénuée d'intérêt au sens où par exemple en Tunisie les discussions entre membres d'une certaine gauche non-parlementaire et certains islamistes ont contribué à préparer le terrain vers une alternance politique de type républicain après la dictature de Ben Ali. Ce qui vaut mieux qu'une montée aux extrêmes. Les extrêmes on en parle également, avec le terrible assassinat de Samuel Paty le 16 octobre dernier et ce qui peut paraître comme une hyper-susceptibilité religieuse de la part du tueur. Mais il faut la restituer dans sa globalité estime notre interlocuteur, et ne pas sous-estimer les processus d'identification de certains individus, musulmans ou pas, à des causes qu'ils n'ont pas vécu directement. Et encore une fois, comprendre n'est pas excuser ...