Un entretien avec Jean Hatzfeld sur les Justes au Rwanda. "Là où tout se tait", est le dernier livre de l'auteur sur les Justes hutu qui ont sauvé des Tutsi pendant le génocide des Tutsi perpétré par les extrémistes hutu rwandais en 1994. Sur la dizaine concernée il se trouve aussi une Tutsi qui a aidé son mari hutu lorsqu'il fuyait la guérilla tutsi bien qu'il ait été lui-même un sauveteur. D'ailleurs Hatzfeld ne cache pas que les Justes hutu sont ignorés en général au Rwanda, par les autres Hutu, puisque cela leur montre qu'il était possible de résister au génocide, mais aussi par les Tutsi qui n'ont aucune confiance ou qui n'aiment pas les Hutu. On fait une digression au passage pour se souvenir qu'en France également il a fallu longtemps avant que l'on rende hommage aux Justes qui avaient sauvé des Juifs durant la seconde guerre mondiale. Même la résistance n'a pas agit contre la déportation s'indigne notre interlocuteur, avant d'évoquer son terrain de prédilection : Nyamata, dans la région du Bugesera, où le génocide fut particulièrement systématique, où en plus des miliciens les militaires du camp de Gako ont massacré. En conséquance résister, cacher des Tutsi traqués, leur indiquer le chemin, les nourrir, même quand il s'agissait d'une ou d'un proche, était un acte d'un rare courage. Jean Hatzfeld s'en tient aux gens qu'il connait, se refusant à commenter au delà, l'histoire, le contexte politique. Sans prétendre à une analyse des tenants et des aboutissants du drame rwandais il nous présente des gens touchants qui reviennent de loin, dans une langue poétique, inspirée de leurs expressions. Des gens que l'ont découvre sous un autre angle de vue à chaque livre, dont ce dernier, le sixième. C'est le visage public de Nyamata à travers les yeux d'un passeur qui n'a pas oublié sa propre histoire. Et ça "c'est grand-chose" comme on dit "Là où tout se tait"...