Le philosophe Michel Feher nous parle de son ouvrage Producteurs et parasites, l'imaginaire si désirable du Rassemblement national (Ed. La Découverte). Il évoque un courant de pensés dont le nom est peu connu mais qui est fondamental dans la pensée politique : le producérisme, qui substitue à la lutte de classes, le clivage entre ceux qui travaillent et les autres, non directement productifs : les parasites d'en haut: spéculateurs, artistes et autres "bobos", et les parasites d'en bas: précaires "assistés" et autres. Soit l'idée d'être "enraciné" dans son travail, dans sa terre, une pente qui a souvent mené à travers le temps à un amalgame avec l'étranger.
Dès la révolution française on cible les parasites d'en haut de manière très compréhensible: les aristos, mais de manière plus injuste certains des plus pauvres sous prétexte qu'ils n'auraient pas les moyens d'une indépendance d'esprit. Et cela ouvre également la porte au rejet de l'autre, et notamment du "Juif usurier". Pour Proudhon par exemple tout le monde doit être producteur à son niveau, individuellement, et les juifs sont accusés de faire de l'argent avec de l'argent.
C'est ainsi qu'une morale parfois identitaire s'impose entre les bons et les mauvais citoyens. Avec la montée des partis fascistes la volonté "d'épurer le pays" se mêle à la volonté d'élargir son "espace vital". Mais la folie de la seconde guerre mondiale et la Shoah vont discréditer cette logique de bouc émissaire, sans pour autant anéantir la pensée producériste, qui se conjugue un temps au kénesyanisme, époque où le racisme est discrédité pat l'histoireau profit d'un capitalisme clientéliste et consumériste.
S'ensuit le moment 68 et la critique du travail émerge au profit d'une vision d'une société plus libérée, mais aussi plus libérale. Un libéralisme qui s'appuie sur un certain conservatisme qui montre d'autres parasites du doigt : syndicalistes, intellectuels, etc. Tandis que la stigmatisation raciale réapparaît avec le Front national de JM Le Pen, avant que sa fille ne développe une version ou les parasites étrangers sont une concurrence déloyale corrodant les acquis sociaux, et où les corps étrangers ne sont plus les juifs. A quoi s'ajoutent ceux qui perturbent le statu quo au nom des besoins de changement, notamment au niveau du réchauffement climatique, et les musulmans qu'on accuse désormais d'être de menacer notre mode vie, etc 
Reste qu'en face la gauche n'arrive pas à mobiliser suffisamment au nom de ses valeurs. Ce qui se comprend car il faut assumer une grande diversité de luttes émancipatrices dont l'intersexionalité est complexe et ambivalente. Dans ce cas pour Michel Feher la voie de salut est de s'approfondir, et s'investir également dans ce qui fait un dénominateur commun : l'antifascisme, nécessaire à la préservation de nos libertés.